Nous sommes des membres actifs et fiers du 48th Highlanders of Canada. Nous avons appris le nom de nos ancêtres tombés au combat, aujourd’hui enterrés au cimetière de guerre de Holten, ainsi que le rôle joué par notre régiment dans l’opération Cannonshot, et dans la traversée de la rivière Ijssel. Nous avons lu le récit improbable du major Beal, qui a rampé sur plus de 180 mètres pour rejoindre la section de tête de la compagnie Able, au sud de Wilp, ainsi que celui de la perte tragique du commandant du régiment, le lieutenant-colonel Donald MacKenzie, tué par tirs d’artillerie. Dans le livre d’histoire régimentaire, nous en avoir appris davantage sur le courage remarquable du lieutenant Johnstone lors de l’assaut de Hoven et Steenkamer par la compagnie Charlie, sur le raid éclair du capitaine George avec la compagnie Baker sur Twello, et sur la progression pénible de la compagnie Dog dans Apeldoorn, remplie de tireurs d’élite. Nous avons lu les journaux de guerre et étudié les cartes d’opérations. Puis, nous avons préparé nos uniformes, plié nos kilts et pris la route vers les Pays-Bas, cette terre que ces hommes ont réussi à libérer grâce à leur courage et à leur dur labeur.
Je ne suis pas ce qu’on appellerait un sous-officier d’expérience. On pourrait dire que je suis un jeune sergent, puisque j’ai obtenu mon troisième chevron seulement quelques mois avant notre départ. Cela dit, j’ai déjà pris part à bien des cérémonies. J’ai défilé avec le régiment dans les rues de Toronto, et j’ai participé à bien des minutes de silence pour le jour du Souvenir. Mais lors de notre premier défilé à Apeldoorn, je suis resté sans mots, en contraste avec les applaudissements et les marques de reconnaissance du peuple néerlandais. Ce sentiment m’a accompagné tout au long des autres marches, que ce soit au palais Het Loo, à Wageningen ou à Beekbergen, et il s’intensifiait chaque fois que je voyais flotter fièrement la feuille d’érable rouge aux côtés du drapeau tricolore des Pays-Bas.

Dans les rues de la ville comme dans le cœur des habitants, on sentait une gratitude et un respect envers notre régiment que je n’avais jamais vu auparavant. Des Néerlandais plus âgés venaient nous voir pour prendre des photos, ou simplement pour échanger quelques mots ou partager poliment des souvenirs qu’ils portaient en eux depuis des années. Le son des cornemuses, omniprésent tout au long de notre séjour, suscitait une vive émotion dans la foule. À l’époque de la libération, les régiments highlanders jouaient de la cornemuse à l’arrivée des forces alliées. L’écho de la musique sur la place publique ravivait ce sentiment de liberté retrouvé après des années d’occupation. Arnold Koopman, qui n’était alors qu’un enfant lorsque la 1re Division canadienne est entrée à Apeldoorn dans les dernières étapes de l’opération Cannonshot, a décrit les soldats canadiens arrivant à bord de leurs véhicules comme « des gladiateurs de dix pieds sur leurs chevaux de fer ».
Nous ne nous attendions pas à une telle démonstration de fierté et de respect pour notre régiment. Pendant notre séjour, nous restions exactement dans le secteur où notre régiment avait été cantonné après l’opération Cannonshot. Sur une portion apparemment anodine de la rivière Ijssel, il y avait une plaque commémorative qui indiquait l’endroit précis où le régiment avait traversé. L’église du village de Wilp, où le régiment est passé lors de l’opération, est tout aussi empreinte de l’histoire de notre régiment que notre propre musée à l’église St. Andrew’s. C’est là que nous nous sommes battus et que nous avons perdu des nôtres. À proximité, on retrouve encore les croix des 19 Highlanders tombés pendant l’opération Cannonshot, là où ils avaient été inhumés peu après les combats. Ces croix sont toujours entretenues avec soin par des membres dévoués de la communauté. L’église de Wilp, mentionnée plus tôt, abrite une pierre où sont gravés des remerciements aux Highlanders pour avoir combattu afin de libérer la population. À l’intérieur, le 48th Highlanders a aussi remplacé l’orgue, détruit lors des combats. Plus récemment, une rue de la ville a été nommée MacKenzieplaat, en hommage à notre commandant tombé au combat, le lieutenant-colonel Mackenzie.


Les Pays-Bas comptent un nombre impressionnant de monuments commémoratifs, puisque c’est là que se sont déroulés les affrontements. Même si le paysage ne porte plus de traces visibles de la guerre, les nombreux monuments qui s’y trouvent perpétuent le souvenir des combats. Le cimetière de guerre de Holten, si bien entretenu, témoigne du caractère sacré de ce souvenir. C’est d’ailleurs entre les pierres tombales qu’a eu lieu la cérémonie du Souvenir, en hommage aux soldats tombés au combat. Durant la cérémonie, des enfants néerlandais déposaient des fleurs sur les pierres tombales, alors que des coquelicots tombaient du ciel. Puis, pour apporter une touche personnelle à la cérémonie, les membres du régiment et moi nous sommes recueillis devant les tombes de nos camarades. J’avais été chargé de me renseigner sur l’un d’entre eux, le soldat de William John Edward Staughton, originaire de Toronto, qui était mort au combat le 12 avril 1945. Ce jour-là, j’ai été profondément ému de pouvoir dire quelques mots en son honneur, tout en partageant plusieurs verres de Drambuie. L’expérience a été d’autant plus touchante en raison de l’émotion accumulée tout au long de notre séjour, au fil de rencontres profondément marquantes avec le peuple néerlandais.
Il existe un concept de monuments vivants, qu’on associe habituellement à des éléments de la nature, comme des arbres, plutôt qu’à des personnes. Et pourtant, alors que nous défilions dans les rues des Pays-Bas, je me suis surpris à penser que nous, les membres actuels du 48th Highlanders of Canada, sommes aussi, en quelque sorte, des monuments vivants. Aux yeux du peuple néerlandais, qui nous a acclamés et accueillis si chaleureusement, et pour les enfants qui nous ont tendu le bras pour qu’on leur tape dans la main (certains d’entre nous quittant même les rangs pour répondre à leur geste), nous symbolisions bien des choses. Nous représentons les hommes valeureux qui ont fait le sacrifice ultime pour libérer leur pays, mais aussi le lien concret qui unit aujourd’hui nos nations et nos peuples. Nous portons aussi l’identité de soldats issus d’une longue lignée de volontaires, partis loin de chez eux pour défendre une cause qui a apporté la paix à un peuple en détresse. Aujourd’hui, 80 ans après les combats et les actes de bravoure de nos soldats, nous représentons le 48th Highlanders of Canada. Dileas gu Brath.


Article rédigé par Sgt. Patrick Navarro pour Honouring Bravery.
Images reproduites avec l’aimable autorisation du sergent Navarro et du 48th Highlanders of Canada.